A quoi servent les civilisations ?
A quoi servent les civilisations ?
Nous savions déjà que les civilisations étaient mortelles, et que les vestiges qui en restaient, étaient là pour nous le rappeler. Cette évidence ne nous fait pas peur, car elle s’inscrit dans une problématique que nous arrivons à comprendre : une oeuvre d’art peut disparaître, ce qui est bien triste, mais qu’importe, aussi belle soit elle, d’autres la remplaceront. D’autant plus que les canons de la beauté évoluent et que la dimension esthétique que nous lui prêtons est profondément influencée par d’autres contingences.
La mort d’un être humain, par contre, quelle qu’en soit la cause, qu’elle soit une et seule, ou une au milieu d’autres, rentre aussi dans notre raison, mais peut dépasser notre entendement.
Car un être humain c’est autre chose qu’un tableau ou une église, même si l’un comme l’autre sont le fruit d’une intelligence, même si l’un comme l’autre, nous le savons, n’ont pas vocation à être immortel. Une vie peut s’arrêter subitement, sans raison, avec des explications qui ne peuvent satisfaire l’intelligence humaine ; mais qui sûrement, s’inscrivent dans une démonstration, qui procède d’une dimension métaphysique, en dehors de toutes les dimensions.
Sur cette terre, les vivants ne représentent qu’une petite minorité, et on peut se demander si la majorité silencieuse des morts a une complémentarité, une influence sur les êtres humains encore vivants, mais condamnés à mort !
Cette interrogation nous interpelle, nous préoccupe : nous avons un culte pour les morts, nous les visitons, nous leur construisons des mausolées, nous organisons de grandes cérémonies dans les cimetières dont les croix et les pierres tombales sont autant de mémoires. Nous honorons nos morts, autant pour des raisons purement émotionnelles, que par nécessité de croire à un dialogue avec eux, de penser qu’il y a convergence permanente entre les vivants et les morts.
Cette approche est tout à fait logique dans l’esprit de ceux qui estiment que la vie n’aurait aucun sens, s’il y avait une discontinuité entre la vie et la mort, si l’énergie que nous possédons disparaissait subitement, en même temps que se fige l’enveloppe charnelle.
Il est vrai qu’une civilisation se développe dans un espace-temps très supérieur à une vie. Elle est le fruit du travail de multiples générations, d’héritages culturels, d’expériences, de découvertes qui s’accumulent, se juxtaposent, se complètent. Mais, et l’homme dans tout cela ? Son bilan est bien maigre après tant d’années d’existence ! Et à quoi bon admirer toutes ces civilisations qui ne reposent que sur de la pierre et du marbre, et peu ou prou sur la sagesse humaine, la coexistence pacifique, la tolérance, l’amour de l’autre et les avancées en matière de spiritualité.
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Ce constat nous oblige à penser et à dire, que toutes ces civilisations méritent de mourir, de disparaître, de tomber dans l’oubli, car leurs murs ont été construits avec le sang des hommes, car elles ont été défendues à travers mille massacres, mille guerres ; et détruites par les incendies de la haine, de la vengeance et de l’intolérance.
Mais on ne peut les dissocier des êtres humains qui les ont inventées, ce qui voudrait dire que nous ne sommes capables que de bâtir pour détruire, de faire naître pour tuer, de prêcher l’amour et la morale et ne vivre que le contraire.
Comment comprendre cette rupture entre civilisation et être humain ! A quoi donc ont servi toutes ces religions, ces temples, ces prêcheurs, pour en arriver à toujours autant de misère humaine ? Quel progrès a donc fait l’homme en matière de connaissance de lui-même.
Alors si ce monde ne fait aucun progrès et si les seules références que nous avons sont de belles statues, des tableaux parfaits ou des musiques envoûtantes, quelle est la place de l’homme et le sens de sa mort ? Et pourquoi n’est-il pas capable de tenir compte des erreurs du passé pour mériter un avenir plus clément.
Après la grande guerre de 14-18 les hommes et les femmes se sont regardés et ils ont dit : “C’est la der, des der !” Puis il y a eu la guerre suivante, puis à la fin de la suivante, les goulags, les Pol Pot, les révolutions culturelles, les massacres africains et les petites horreurs du Kosovo.
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Triste constat ! Est-ce que cela veut dire que la civilisation n’a finalement que peu de valeur, ou tout du moins la valeur d’une étincelle d’esthétisme, d’un bonheur intellectuel qui est totalement décalé de la réalité sombre et sans espoir d’une existence humaine.
Mais la vie humaine ne serait-elle qu’une pierre de plus sur une voûte romane, un marbre sculpté parmi d’autres, une valse, une simple chose qui n’ajoute rien à rien et ne procure qu’une satisfaction fugace.
Des intelligences éclairées ont essayé de réveiller notre conscience existentielle, de nous dire, de nous faire comprendre qu’il y avait une espérance au-delà de l’illusion humaine.
Des religions, des philosophes, des penseurs, un foisonnement de réflexion avec de multiples convergences, essayent de nous démontrer, mais en vain, que l’homme possède au fond de lui-même une force spirituelle extraordinaire, une énergie inexploitée.
Cette infime partie de l’énergie cosmique qui a créé l’univers et tout ce qu’il contient, est éternelle, elle ne peut disparaître, elle brille en nous, ailleurs, autour de nous et elle se mélange à d’autres.
JLdL
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